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Des bulles géantes découvertes près du centre de la Voie lactée

17 septembre 2019

Une équipe internationale d’astronomes, impliquant un chercheur français de l’Observatoire de Paris - PSL a découvert à l’aide du radiotélescope MeerKAT en Afrique du Sud l’un des plus grands éléments jamais observés au centre de la Voie lactée : une paire d’énormes bulles émettrices de rayonnement radio. Ces travaux sont parus dans la revue Nature, le 11 septembre 2019.

MeerKAT est un radiotélescope inauguré en 2018 à l’Observatoire sud-africain de radioastronomie (SARAO) et composé de 64 antennes réparties sur un diamètre de huit kilomètres dans la province du Cap-Nord, en Afrique du Sud.

Radiotélescope MeerKAT
© South African Radio Astronomy Observatory

Grâce à lui, une équipe scientifique conduite par un chercheur de l’Université d’Oxford a cartographié de vastes régions situées au centre de la galaxie, effectuant des observations à des longueurs d’onde proches de 23 centimètres.

Les émissions radio de ce type sont générées selon un processus appelé rayonnement synchrotron, dans lequel des électrons se déplaçant à une vitesse proche de la vitesse de la lumière, interagissent avec des champs magnétiques. Cela produit un signal radio caractéristique qui peut être utilisé pour tracer des régions énergétiques dans l’espace.

MeerKAT a le pouvoir de facilement pénétrer les nuages de poussière denses du centre de la galaxie, contrairement aux instruments qui observent cette région dans le visible.

Selon Fernando Camilo de SARAO, du Cap en Afrique du Sud, coauteur de l’article paru dans Nature "ces énormes bulles étaient jusqu’à présent masquées par la lumière d’une émission radio extrêmement brillante du centre de la galaxie".

Une structure semblable à un sablier

Les bulles s’étendent sur des centaines d’années-lumière au-dessus et en-dessous du centre de notre galaxie.

Bulles radio observées avec le radiotélescope MeerKAT.
Image radio des parties centrales de la galaxie de la Voie lactée. Le plan de la galaxie est marqué par une série d’éléments brillants, de résidus d’explosions d’étoiles (supernovae) et de régions où de nouvelles étoiles sont en train de naître. Le trou noir au centre de la Voie Lactée est caché dans la plus brillante de ces régions étendues. Les bulles radio découvertes par MeerKAT s’étendent verticalement au-dessus et au-dessous du plan de la galaxie. De nombreux filaments magnétisés peuvent être vus parallèlement aux bulles
© South African Radio Astronomy Observatory

Selon Ian Heywood de l’Université d’Oxford et auteur principal de l’article paru dans la revue Nature, "le centre de notre galaxie est relativement calme par rapport aux autres galaxies dotées de trous noirs centraux très actifs. Néanmoins, le trou noir central de la Voie lactée peut, de temps en temps, devenir inhabituellement actif, s’enflammer en dévorant périodiquement d’énormes masses de poussière et de gaz. Il est possible qu’une telle frénésie alimentaire ait déclenché de terribles explosions qui ont créé cette structure inconnue jusqu’à aujourd’hui."

En examinant l’étendue et la morphologie des bulles jumelles, les chercheurs pensent avoir trouvé des preuves convaincantes pour attribuer l’origine de leur formation à une violente éruption qui, sur une courte période, a traversé le milieu interstellaire dans des directions opposées.

"La forme et la symétrie de ce que nous avons observé suggèrent fortement qu’un événement d’une puissance stupéfiante s’est produit il y a quelques millions d’années très près du trou noir central de notre galaxie", a déclaré William Cotton, astronome à l’Observatoire national de radioastronomie de Charlottesville, en Virginie, coauteur du papier.

Cette éruption a probablement été provoquée par de grandes quantités de gaz interstellaire tombant dans le trou noir, ou par une explosion massive de formation d’étoiles qui a envoyé des ondes de choc dans le centre galactique. En fait, ces bulles gonflées dans le gaz ionisé chaud près du centre galactique, le dynamisent et génèrent des ondes radio que nous pourrons éventuellement détecter ici sur Terre.

Une région énigmatique

L’environnement aux abords du trou noir central de notre Galaxie, très différent de ce qui existe ailleurs dans la Voie Lactée, est une région énigmatique.
Il y a 35 ans, furent découverts des filaments très longs et étroits qui n’ont été trouvés nulle part ailleurs et dont l’origine n’a depuis jamais été résolue. Les filaments apparaissent sous forme de structures radio de plusieurs dizaines d’années-lumière et d’environ une année-lumière.

Montage montrant à l’arrière-plan du télescope MeerKAT, des bulles détectées dans le domaine radio.
En arrière-plan, image radio du centre de la Voie lactée marqué par une série d’éléments brillants, d’étoiles éclatées et de régions de formation de étoiles sont en train de naître. Le trou noir au centre de la Voie Lactée est dissimulé dans la plus brillante de ces régions étendues. Les bulles radio s’étendent de part et d’autre. De nombreux filaments magnétisés peuvent être vus parallèlement aux bulles.

Les auteurs suggèrent que l’association étroite des filaments avec les bulles implique que l’événement énergétique qui a créé les bulles radio est également responsable de l’accélération des électrons nécessaires à la production de l’émission radio des filaments magnétisés.

La découverte de telles bulles non loin du centre de notre propre galaxie nous éclaire sur les activités spectaculaires qui se déroulent dans des galaxies, cousines de la Voie Lactée, mais à des échelles de distance bien plus grandes à travers l’Univers.

MeerKAT

Installé dans le désert du Karoo, en Afrique du Sud, MeerKAT constitue le cœur du réseau du futur Square Kilometre Array (SKA) qui, à terme au cours de la prochaine décennie, complètement déployé, comptera 2 000 antennes en Afrique du Sud et en Australie. Il est dans sa catégorie le plus sensible au monde.
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L’Observatoire de Paris, à travers sa station de radioastronomie à Nançay, est impliqué dans la mise au point et l’utilisation de MeerKAT.

Référence

Inflation of 430-parsec bipolar radio bubbles in the Galactic Centre by an energetic event, I. Heywood et al.